Homoparentalité et médiation familiale

Anne Lamy, Éric Verdier et Jocelyne Dahan, Le Médiateur Familial n°45, décembre 2004, mardi 11 septembre 2007, par Éric Verdier.

Le médiateur vient tout juste d’être doté d’un diplôme d’État et se pose encore la question des limites de ses compétences, des indications de la médiation familiale…

Par ailleurs, depuis ces dernières années, la question de l’homoparentalité se pose au grand jour, interrogeant la place des médiateurs familiaux, leur compétence.

Au travers de cet article nous avons souhaité interroger deux professionnels. Le premier, Éric Verdier, spécialiste de cette question, et la seconde Jocelyne Dahan, médiatrice familiale, pour recueillir leur point de vue. Il ne s’agit pas de donner des réponses, mais d’ouvrir le débat, d’aider à la réflexion en recueillant leurs propos.

Éric Verdier, en tant que psychologue, comment définiriez-vous l’homoparentalité, et qu’est-ce qui vous semble le plus épanouissant du point de vue de l’enfant ?

J’aurais du mal à la définir, car d’une part « l’homoparentalité » n’existe pas plus que « l’hétéroparentalité », d’autre part je considère que ce terme est homophobe. En effet, les différents contextes qui sont habituellement cités pour désigner cette pseudo-homoparentalité sont exactement symétriques deux à deux à des situations « hétéroparentales » :

  • L’enfant est issu d’une union hétérosexuelle, et l’un de ses parents mène une double vie homosexuelle, comme dans une situation ou l’un des deux parents a une « liaison hétérosexuelle ».
  • L’enfant est issu d’une union hétérosexuelle, mais l’un de ses deux parents vit maintenant une relation de couple avec quelqu’un de son sexe, comme dans une famille dite « recomposée ».
  • L’enfant a été adopté par une personne seule, qui vit en réalité avec une personne de son sexe, et qui a été contrainte de le masquer, – presque – comme un couple hétérosexuel adoptant.
  • L’enfant est issu d’une « relation sans lendemain » entre une femme homosexuelle et un homme, (ou via une insémination « artisanale » avec un homme qui ne reconnaîtra pas l’enfant), comme celles qui « font des bébés toute seules ».
  • L’enfant a été conçu à l’étranger dans le cadre d’une insémination artificielle avec donneur anonyme (s’il s’agit d’un couple de femmes), ou via une maternité pour autrui (s’il s’agit d’un couple d’hommes), comme un couple hétérosexuel stérile effectuant de telles démarches.
  • L’enfant est né d’un homme et d’une femme homosexuels, sans qu’il n’y ait eu de lien de couple au sens habituel du terme, comme un homme et une femme hétérosexuels ayant conçu un enfant dans une relation d’amitié (« entre amour et amitié, il n’y a qu’un lit de différence » disait Henri Tachan…).
  • Lorsque l’enfant a un seul parent, la revendication fondamentale vise de plein fouet l’homophobie de la société. Si un adulte peut adopter seul, comment se fait-il que des jugements moraux, sexistes ou homophobes, parasitent les prises de décision ?
  • Lorsque l’enfant a ses deux parents, là aussi sexisme et homophobie avancent main dans la main dans les décisions des tribunaux par exemple, en privilégiant la résidence principale chez celui des deux parents qui refuse la résidence alternée, au lieu de favoriser la place de celui qui la demande et qui est privé d’un droit humain fondamental : celui de pouvoir jouer son rôle de parent auprès de son enfant. L’une des conséquences sur l’enfant peut être un Syndrome d’Aliénation Parentale, d’autant plus que la séparation des parents est précoce dans la vie de l’enfant (voire antérieur à sa conception), et les pères homosexuels doublement sanctionnés.
  • Mais dans nombre de situations, l’enfant a un seul parent juridique alors qu’en réalité il est élevé également par son conjoint ou sa conjointe. Il s’agit donc d’un « parent de substitution », puisque en quelque sorte une place est laissée vacante, et à l’instar du premier jugement récent qui a permis à un couple de femmes d’exercer conjointement l’autorité parentale sur les enfants qu’elles élèvent ensemble, rien ne devrait distinguer sur le plan juridique cette situation de la précédente. Et si deux parents valent mieux qu’un pour un enfant, l’adoption devrait également être étendue aux couples de même sexe qui en sont exclus, puisque exclus du mariage. L’accès à l’insémination avec donneur ou à la possibilité du recours à une maternité pour autrui (qui est pour l’instant interdite à tou-te-s en France) va dans ce même sens de revendications, dans une transparence sur les origines.
  • Plus complexes à analyser sont les situations où l’enfant a ses deux parents, et où l’un au moins vit en couple avec une autre personne. Sans se substituer au couple parental qui est alors existant, les conjoint-e-s devraient en quelque sorte être considérés comme des « parents additifs » et devraient pouvoir bénéficier d’une extension des devoirs et droits parentaux, mais également de pouvoir se substituer totalement sur le plan juridique à leur conjoint-e en cas de disparition, et ceci sans nécessiter l’accord de l’autre parent (avec qui préexiste parfois un conflit).
  • l’ampleur de l’enjeu (disqualification du rôle paternel dans la majorité des cas, mais parfois aussi de celui de la mère, amplifié s’il n’y a pas eu de relation amoureuse entre les parents) ;
  • la confusion à l’œuvre tant qu’on n’éclaircit pas les différents registres « emboîtés » de la parentalité (primauté aux parents, transfert de ce rôle le cas échéant à un parent de substitution quel que soit son sexe, extension à celui de parents additifs prenant en compte les relations de couple de chaque parent) ;
  • et surtout l’extraordinaire méconnaissance des besoins d’un enfant, parasités par des préjugés sexistes et homophobes quant à l’attribution de la résidence principale de l’enfant (statistiquement arrivent en tête les mères hétérosexuelles, puis les pères hétérosexuels, les mères homosexuelles, et enfin les pères homosexuels ; au niveau des parents non reconnus, forcément relégués en queue de peloton, les mères de substitution sont juste devant les pères de substitution qui ferment la marche devant toutes sortes de parents additifs triplement ignorés…), les médiateurs familiaux devront avant tout permettre à ces parents et aux tiers qui les entourent d’y comprendre quelque chose. Par contre lorsque le socle coparental est reconnu et valorisé fermement par les magistrats, le rôle des médiateurs me semble être très proche de ce qui les anime dans toute situation parentale équitable, à savoir permettre de transformer la violence en conflit et le conflit en paroles, en décisions et en actes de vie pour la construction psycho-sociale de l’enfant.

Ainsi, on peut être parent et hétéro/homo/bi/trans ou quoi que ce soit d’autre, on n’en reste pas moins un parent. Les situations qui me paraissent les plus épanouissantes pour l’enfant sont à la fois celles qui sont les plus claires et les plus assumées par chacun des parents, mais aussi celles où l’enfant n’est pas pensé comme « objet de satisfaction » d’un-e seul-e parent-e considérant alors l’autre dans un rôle subalterne.

2. Éric Verdier, quelles sont les attentes des familles homoparentales ? Quels sont notamment leurs souhaits en matière de reconnaissance légale du ou des coparents, et du compagnon des coparents, qui n’a pas forcément d’existence légale ?

Il faut distinguer deux situations pour y comprendre quelque chose dans ce foisonnement de revendications émanant de parents vivant leur homosexualité : celles où l’enfant est élevé par un ou deux adultes, et celles ou il y en a au moins trois :

  • Lorsque l’enfant a un seul parent, la revendication fondamentale vise de plein fouet l’homophobie de la société. Si un adulte peut adopter seul, comment se fait-il que des jugements moraux, sexistes ou homophobes, parasitent les prises de décision ?
  • Lorsque l’enfant a ses deux parents, là aussi sexisme et homophobie avancent main dans la main dans les décisions des tribunaux par exemple, en privilégiant la résidence principale chez celui des deux parents qui refuse la résidence alternée, au lieu de favoriser la place de celui qui la demande et qui est privé d’un droit humain fondamental : celui de pouvoir jouer son rôle de parent auprès de son enfant. L’une des conséquences sur l’enfant peut être un Syndrome d’Aliénation Parentale, d’autant plus que la séparation des parents est précoce dans la vie de l’enfant (voire antérieur à sa conception), et les pères homosexuels doublement sanctionnés.
  • Mais dans nombre de situations, l’enfant a un seul parent juridique alors qu’en réalité il est élevé également par son conjoint ou sa conjointe. Il s’agit donc d’un « parent de substitution », puisque en quelque sorte une place est laissée vacante, et à l’instar du premier jugement récent qui a permis à un couple de femmes d’exercer conjointement l’autorité parentale sur les enfants qu’elles élèvent ensemble, rien ne devrait distinguer sur le plan juridique cette situation de la précédente. Et si deux parents valent mieux qu’un pour un enfant, l’adoption devrait également être étendue aux couples de même sexe qui en sont exclus, puisque exclus du mariage. L’accès à l’insémination avec donneur ou à la possibilité du recours à une maternité pour autrui (qui est pour l’instant interdite à tou-te-s en France) va dans ce même sens de revendications, dans une transparence sur les origines.
  • Plus complexes à analyser sont les situations où l’enfant a ses deux parents, et où l’un au moins vit en couple avec une autre personne. Sans se substituer au couple parental qui est alors existant, les conjoint-e-s devraient en quelque sorte être considérés comme des « parents additifs » et devraient pouvoir bénéficier d’une extension des devoirs et droits parentaux, mais également de pouvoir se substituer totalement sur le plan juridique à leur conjoint-e en cas de disparition, et ceci sans nécessiter l’accord de l’autre parent (avec qui préexiste parfois un conflit).

En résumé, respectons le rôle prépondérant des parents d’un enfant dans une équité totale entre eux, permettons à un parent de substitution (quel que soit son sexe) d’endosser pleinement la place de l’un d’eux laissée vacante, et préservons les liens tissés avec des parents additifs (quel que soit leur sexe) dans le temps, sans amalgamer chacun de ces trois registres et dans une parfaite transparence. Le principe de coparentalité permet à la fois de clarifier ces trois registres, mais aussi de penser les formes contemporaines de la parenté de manière plus globale.

3. Éric Verdier, quelles sont les forces (mais aussi les limites) de la coparentalité ?

Tout d’abord, définissons ce que nous entendons par « coparentalité » : il s’agit d’une équité parentale dans les droits et les devoirs, mais aussi dans l’éducation au quotidien, entre le père et la mère d’un enfant, ou entre son seul parent reconnu et un parent de substitution, quel que soit leur sexe. Le concept de coparentalité est anti-sexiste (les pères et les mères sont jugés sur un pied d’égalité quant aux besoins d’un enfant) mais également anti-homophobe (l’orientation sexuelle n’a rien à voir avec les compétences parentales).

Il nomme d’autre part la séparation entre le plan de la conjugalité (horizontal) et celui de la parentalité (vertical). Ainsi, s’il existe une opposition porteuse de sens dans le fameux intérêt de l’enfant, c’est bien celle de toute-puissance monoparentale (position psychique qui n’incrimine bien entendu nullement les « monoparents » de fait, notamment lorsque la vie les a contraint-e-s à élever seul un enfant) vis-à-vis de celle de véritable partage parental, sous le primat de l’équité et non de la domination d’un parent sur l’autre, et par conséquence de l’aliénation de l’enfant.

Mais partage ne signifie pas dilution, et par exemple lorsqu’un flou artistique entoure le rôle paternel (le situant du côté du père d’un point de vue juridique sans qu’il puisse exercer son autorité parentale, mais le situant temporellement, et affectivement pour la mère, du côté de son ou sa compagne qui n’a aucune reconnaissance juridique), la mère reste bien la seule à exercer son pouvoir sur l’enfant.

Ainsi, si l’enfant est conçu dans un contexte où deux foyers préexistent de part et d’autre, et si bien entendu la proximité géographique et affective est une nécessité, la signature d’un engagement mutuel n’aura aucune valeur tant que la certitude d’une équité parfaite entre le père et la mère de l’enfant ne sera pas devenue une réalité dans les tribunaux. Car prévenir, c’est anticiper le pire, et guérir, c’est aussi éviter la récidive !

4. Éric Verdier, les « homoparents » ont-ils des craintes ou des interrogations à propos de leur enfant ? Redoutent-ils qu’il soit “montré du doigt”, comme ont pu l’être à une époque les enfants de divorcés ou ceux qui vivaient seuls avec un seul parent ?

Les dangers ne sont jamais là où on le croit. J’ai en mémoire les propos d’une jeune femme qui avait élevé avec sa compagne la fille de celle-ci, conçue dans le cadre d’une « relation sans lendemain », et dans une totale ignorance quant à l’identité du père. Cette femme souhaitait avoir à son tour un enfant, mais elle était formelle sur le fait qu’elle voulait lui donner un père, qui puisse incarner véritablement son rôle auprès de l’enfant, et ce dès le départ. D’autres femmes présentes ce soir-là et engagées quant à elles dans un projet d’insémination avec donneur anonyme en Belgique, lui ont demandé pourquoi elle était aussi sûre d’elle. Elle a répondu que la fille de son amie, alors âgée de quinze ans, ne leur avait jamais reproché d’être élevée par deux femmes qu’elle aimait autant l’une que l’autre (ce qui lui avait permis de « comprendre plus tôt que d’autres qui étaient celles et ceux qui valaient vraiment le coup, pour ne pas perdre de temps avec les cons »).

En revanche, l’adolescente disait ne jamais pardonner à sa mère de l’avoir conçue délibérément sans jamais pouvoir connaître l’identité de son père. Ainsi, à l’ère de « l’enfant-roi », c’est bien la toute-puissance d’un seul parent qui est la plus destructrice, niant le besoin de tout enfant d’accéder un jour à ses origines, ou bien disqualifiant la place de l’autre parent en s’appropriant la résidence principale de l’enfant, ou encore profitant de la vacance de la loi pour anéantir toute possibilité de relation avec un parent de substitution ou un parent additif suite à une séparation conjugale.

En d’autres termes, il est beaucoup plus clair et équilibrant pour un enfant d’être élevé par un couple de femmes où la mère respecte sa compagne comme un parent de substitution et avec accès aux origines paternelles, que par une mère qui par conformité sociale a donné un père à son enfant, mais qu’elle considère néanmoins comme un simple donneur de sperme, disqualifié à la moindre occasion au profit de sa compagne. Certes l’homosexualité n’a pas plus à voir que l’hétérosexualité avec la peur, le rejet, le mépris de l’autre sexe ; mais elle n’en est pas exempte pour autant !

6. Éric Verdier, lorsque le conflit existe, et cela peut aussi être le cas, qu’attendez-vous de la médiation familiale ? Comment peut-elle répondre à vos attentes de parents ?

Tant que les magistrats n’auront pas compris :

  • l’ampleur de l’enjeu (disqualification du rôle paternel dans la majorité des cas, mais parfois aussi de celui de la mère, amplifié s’il n’y a pas eu de relation amoureuse entre les parents) ;
  • la confusion à l’œuvre tant qu’on n’éclaircit pas les différents registres « emboîtés » de la parentalité (primauté aux parents, transfert de ce rôle le cas échéant à un parent de substitution quel que soit son sexe, extension à celui de parents additifs prenant en compte les relations de couple de chaque parent) ;
  • et surtout l’extraordinaire méconnaissance des besoins d’un enfant, parasités par des préjugés sexistes et homophobes quant à l’attribution de la résidence principale de l’enfant (statistiquement arrivent en tête les mères hétérosexuelles, puis les pères hétérosexuels, les mères homosexuelles, et enfin les pères homosexuels ; au niveau des parents non reconnus, forcément relégués en queue de peloton, les mères de substitution sont juste devant les pères de substitution qui ferment la marche devant toutes sortes de parents additifs triplement ignorés…), les médiateurs familiaux devront avant tout permettre à ces parents et aux tiers qui les entourent d’y comprendre quelque chose. Par contre lorsque le socle coparental est reconnu et valorisé fermement par les magistrats, le rôle des médiateurs me semble être très proche de ce qui les anime dans toute situation parentale équitable, à savoir permettre de transformer la violence en conflit et le conflit en paroles, en décisions et en actes de vie pour la construction psycho-sociale de l’enfant.

Mais ils ont également un rôle très important à jouer dans les situations d’aliénation parentale, en aidant à les nommer comme telles, et à la fois pour permettre au parent aliénant de mesurer l’impact de sa manipulation sur l’enfant, mais aussi au parent aliéné de sortir de l’humiliation et du désespoir, en retrouvant le chemin qui lui permet d’accéder à la confiance de son enfant.

Le niveau d’entente minimal doit être un objectif recherché en permanence en médiation, sans jamais remettre en question le principe fondateur de la résidence alternée, et non une condition nécessaire qui exposerait le parent aliéné à des tentatives de sabotage de la part du parent aliénant en vue d’empêcher la résidence alternée.

7. Pour vous, Jocelyne Dahan, comment d’après vous les médiateurs familiaux appréhendent-ils ces nouvelles formes familiales ?

En amont, j’aimerais revenir sur cette question qui se décompose en deux parties : la première concerne les modèles familiaux, la seconde celle de l’appréhension par les médiateurs familiaux.

Concernant le premier point, il est vrai que la sociologie de la famille, mais aussi la psychologie, le travail social ont défini des catégories pour repérer les Modèles familiaux. Si ces repères ont eu du sens, un sens lors de leur élaboration, il serait bon de les resituer, aujourd’hui, en regard de la réalité et de l’évolution de notre société.

Ainsi, les qualificatifs ne manquent pas : famille nucléaire, monoparentale, recomposée, adoptive, etc. Mais ces catégories, en déterminant un cadre, enferment les différents acteurs qui les composent et peuvent avoir pour effet une stigmatisation. Nous savons qu’un groupe familial peut traverser ces différents modèles au cours de son existence et nous pouvons nous interroger sur la nécessité d’une telle classification, une stigmatisation est un jugement, jugement de valeur dont les effets peuvent être discriminatoires.

Aujourd’hui, la famille se définit de façon transversale et non plus verticale (Irène Théry, Couple et Filiation, Dunod, 1997), le dénominateur commun étant l’enfant, le concept de famille se repère à partir de l’enfant, de la filiation et des relations significatives pour l’enfant. Entend-on fréquemment un enfant définir sa famille en regard de ces classifications ?

Le modèle, comme sa définition le pose, est une case dans laquelle s’inscrivent des individus qui se reconnaissent par des items communs, et cela est un paradoxe avec l’idée même de la médiation. Commet accompagner une famille dans sa demande unique et toujours singulière si le premier regard du médiateur familial est de la positionner dans l’une de ces cases ?

La question de « l’homoparentalité » n’est pas à isoler d’autres fonctionnements familiaux, le postulat de base n’étant pas l’orientation sexuelle du ou des parents, et le médiateur se doit d’appréhender les demandes des familles quel que soit l’état de l’union, la famille étant « entendue dans sa diversité et dans son évolution » ( Définition du Conseil National de la Médiation Familiale 2003), mais d’accueillir cette demande sans jugement, dans le respect des différences.

Pour répondre à la seconde partie de la question, je dirai que le médiateur se doit de ne pas porter de jugement, de ne pas être englué par ses propres modèles afin de pouvoir agir dans cette compétence spécifique, qui est la sienne, l’impartialité, ou plus exactement la « multipartialité » (J. Salzer).

8. Jocelyne Dahan, que font les médiateurs familiaux de leurs représentations familiales et de leurs propres valeurs ?

Le médiateur familial comme tout professionnel est avant tout une femme, un homme issu lui-même d’une histoire familiale, d’un héritage familial. Si aujourd’hui, sa formation est définie, pour autant la question de la nécessité d’un travail personnel ne peut toujours pas être posée, car bien entendu l’obligation ne saurait être pertinente dans ce contexte, cependant le fait même de s’interroger sur les représentations du médiateur familial relance le débat.

Comment connaître et repérer ses propres valeurs, celles véhiculées par le médiateur et celles qu’il projette ? La supervision, à la différence de l’analyse de la pratique, permet ce repérage, cette mise à distance, et renforce le médiateur dans l’exercice de son métier en lui créant un filet de protection.

Il est fréquent d’interroger les médiateurs sur les limites de la médiation, mais ne faut-il pas, auparavant, interroger les limites du médiateur ? Reconnaître ses limites, c’est garantir une qualité de travail, d’accueil des familles. Ainsi certains auront plus de difficultés avec des problématiques telles que l’addiction, la violence domestique, alors que pour d’autres la question de la résidence alternée aura les mêmes effets.

Nos représentations guident de façon inconsciente notre savoir faire, interférant sur le réel. Les reconnaître, c’est permettre au médiateur d’accéder à une plus grande sécurité, le médiateur doit pouvoir repérer ses limites et accepter de ne pas pouvoir intervenir dans toutes les situations plutôt que de s’y plonger au risque de se perdre dans les méandres du subjectif.

Ces projections personnelles peuvent brouiller l’intervention du médiateur, ainsi certains ne pourront se départir d’interrogations multiples, et la question de l’homosexualité fait partie de ce lot. Peu, sauf erreur de ma part, peu de programmes de formation comportent une partie relative à la sexualité et laissent les médiateurs familiaux dans l’embarras, s’interrogeant sur les conséquences de l’homosexualité, notamment sur la construction identitaire des enfants. Séparant la fonction parentale de toute fonction de couple, mettant à distance la sexualité, l’excluant. Bien entendu il n’est pas dans les fonctions du médiateur de traiter de ces questions, mais comment ne pas prendre en compte cet aspect du fonctionnement conjugal ?

Mais aux projections du médiateur viennent s’entremêler celles des personnes qui s’interrogent : « Que peut penser ce médiateur de mon homosexualité ? », cet « entremêlage » d’inconscient à inconscient rend parfois plus difficile les premiers entretiens, mais face à un médiateur contenant, sécurisant, les tensions s’apaisent et le travail suit son cours.

C’est bien la spécificité de la posture du médiateur qui facilite la reprise de communication en veillant à l’équilibre des pouvoirs entre les personnes et à ce qu’elles puissent par elles-mêmes, progressivement, élaborer un mode organisationnel qui prend en compte les besoins de chacun.

Mieux vaut un médiateur familial qui peut, qui ose dire ses limites, qu’un médiateur familial qui entre dans cet espace avec des schémas préétablis. La limite se pose là, elle est avant tout celle du professionnel, et les principes déontologiques qui régissent ce métier l’énoncent : « Afin d’assurer le respect du droit des personnes, le processus de médiation doit impérativement présenter un caractère volontaire, confidentiel, et librement consenti. Le médiateur familial contribue à créer un espace relationnel d’écoute et de dialogue à l’abri de toute forme de contrainte physique ou morale ».

Pour répondre à votre question, je répondrai à tout médiateur : « N’acceptez pas une situation qui produit sur vous de l’insécurité ; c’est une garantie qui est due à toute famille qui sollicite notre intervention ». Le repérage des représentations est la mise à distance d’un carcan qui entrave le bon déroulement de la médiation.

Le médiateur n’a pas de pouvoir sur la décision des personnes, mais il a le pouvoir de la sécurité du cadre qu’il propose.

La question de l’homoparentalité est récente dans le débat, dans les médias. Le mariage homosexuel, le droit à la parentalité animent les débats, mais ses effets de presse masquent la réalité : celle du questionnement du « droit de l’accès à la parentalité ». Trop de bruit produit un effet de focalisation, mais les demandes des familles dans nos bureaux ne sont-elles pas toutes identiques ? Celles de trouver ou de retrouver un mode de communication constructif pour permettre à l’enfant de se construire dans une constellation familiale au sein de laquelle il s’inscrit sans discrimination.

En conclusion, la question de l’homoparentalité n’est pas à isoler de la parentalité en général, la question demeure celle de la place d’un enfant dans sa famille et de la répartition des fonctions basées sur la responsabilité des personnes et de la coparentalité.

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