La dépression de l’enfant

Par Ghizlane Benjelloun, Pédopsychiatre, lematin.ma le 09/06/2011.

Dépression, les enfants sont aussi concernés. Longtemps considérée comme un trouble secondaire, la dépression des enfants est souvent une souffrance mal connue de l’entourage familial.

« Je ne veux pas », « Je suis nul », « Je n’y arriverais pas »… le petit ressasse ce genre de phrases depuis quelques semaines, dès qu’il s’agit d’entreprendre une nouvelle activité ? C’est peut-être un signe de dépression.

Certains parents pensent parfois que l’enfant a le droit de changer et qu’il est normal qu’il ne veuille plus pratiquer les mêmes loisirs comme avant. Cependant, il faut toujours se demander si cela ne cache pas un mal plus profond. Mal connu chez l’enfant, le syndrome dépressif peut être une réponse à un comportement qui change de façon brutale, avec des signes de tristesse au quotidien. Selon l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), deux enfants sur cent vont déprimer à un moment donné. Les garçons sont plus touchés pendant l’enfance alors que les filles le sont plus tard, au moment de l’adolescence. Parce que l’enfant a, quelques fois, du mal à exprimer ses états d’âme à ses parents, des petits changements s’installent dans la vie de tous les jours, qui peuvent aller des plaintes physiologiques chroniques aux résultats scolaires qui chutent brutalement. « Mon fils de 11 ans traverse une mauvaise période en ce moment. C’est habituellement un garçon sensible, affectueux et actif. Mais depuis quelques semaines, il s’isole des autres. Il se remet en question sans arrêt et après le moindre petit incident, il plaque tout, se cache dans sa chambre et pleure. Je ne comprends pas ce qui lui arrive, surtout qu’il refuse de se confier à moi », raconte, tristement, Hakima. Pour la petite Meriem, 8 ans, le problème réside dans les examens. « Un jour, elle a refusé d’aller à l’école. Elle a hurlé qu’elle n’en pouvait plus des contrôles », révèle Zineb, sa maman. Et d’ajouter: « Je ne savais pas comment réagir. J’ai quand même réussi à la convaincre d’aller à l’école en lui répétant que l’année était déjà finie et qu’il ne lui restait que deux semaines à supporter ».

Alors comment être sûr que l’enfant traverse une période de troubles dépressifs ? Certains signes ne trompent pas. On peut remarquer, entre autres, une tristesse permanente qui n’est pas motivée par un incident précis et grave, une anxiété soudaine à la séparation et à l’école, une agitation à la maison (il devient insolent et irritable brusquement), des difficultés scolaires… Par ailleurs, il existe une différence entre des symptômes dépressifs « normaux », donc passagers et une dépression « sérieuse ».

Cependant, selon les spécialistes, ce ne sont pas les séparations ou les pertes des proches qui sont sources de dépression, mais l’impossibilité d’effectuer un véritable processus de deuil et de détachement. « Après la mort de ma mère, ma fille de 5 ans s’était métamorphosée. Elle faisait beaucoup de caprices et pleurait tout le temps, elle ne riait plus, elle était devenue agressive avec ses copains à l’école, dormait très mal, toujours fatiguée, jouait moins… », indique Imad. Et d’ajouter : « Le pédiatre nous a orientés vers un pédopsychiatre et c’est ce denier qui a diagnostiqué une dépression. Je ne l’aurais jamais cru possible chez un enfant de cet âge ». Il peut, parfois, être difficile pour les adultes de comprendre jusqu’à quel point les problèmes des enfants peuvent être pénibles. Mais pour certains d’entre eux, faire face aux pressions que présentent l’école et la croissance peut s’avérer bien difficile. Les troubles de l’anxiété sont associés à la dépression dans 40 à 70% des cas. Cela peut être l’angoisse de séparation, un trouble panique, une phobie scolaire ou des difficultés d’apprentissage chez les enfants. Pour l’aider à s’en sortir, il convient d’essayer de l’encourager à dévoiler ses sentiments. Ensuite, il faut faire en sorte de transformer toute pensée pessimiste en pensée positive. Par exemple, s’il est invité à un anniversaire, il faut aussi le motiver à faire des connaissances. De même dans le quotidien, les parents peuvent évidemment renforcer des comportements positifs : on parle des émotions de la journée et on met des mots sur ce qui a été ressenti, en positif comme en négatif. C’est un jeu simple où chaque pensée est associée à une émotion qui est nommée. De toute façon, si on soupçonne un épisode dépressif chez son enfant, le plus simple est de consulter un spécialiste pour mettre en place une aide adaptée. La dépression se soigne très bien. Les enfants, les adolescents et les adultes peuvent tous être aidés à surmonter une dépression.

La dépression chez le nourrisson

L’état de dépression chez le nourrisson a été décrit pour la première fois en 1946. Si le tableau clinique est rarement aussi complet que celui qui a pu être repéré dans certaines situations catastrophiques récentes (guerres, génocides…), il n’est pas rare de le retrouver avec des variations en fonction de l’âge, de la sévérité et de l’ancienneté des troubles. On parle de dépression du nourrisson lorsque certains symptômes apparaissent. Comme, par exemple, un comportement du bébé sans pleurs ni larmes, une mimique pauvre, des conduites répétées et monotones, un affaiblissement des réponses aux sollicitations… A cela, peuvent s’ajouter des troubles des conduites alimentaires, un arrêt de croissance, un retard du développement psychomoteur, ou même des troubles du sommeil. Cette dépression du nourrisson est attribuée le plus souvent à la rupture des liens d’attachement, spécialement avec la mère. Cela peut se produire à la suite d’expériences de séparation ou de perte. Dans d’autres cas, la douleur physique (souvent méconnue chez le bébé), certaines infections, des troubles nutritionnels, ainsi que des complications périnatales semblent être, au moins partiellement, en cause.

« L’enfant peut avoir, parfois, des idées suicidaires. » Est-ce qu’un enfant peut souffrir de dépression ?

Absolument. Le bébé, le jeune, le grand enfant et l’adolescent souffrent de dépression dans un pourcentage qui varie entre 1 et 5%. Les symptômes sont très différents de ceux de l’adulte, d’où la méconnaissance fréquente de ce trouble.

Quelles sont les raisons qui peuvent rendre un petit dépressif ?

Chez le bébé, ce sera en lien avec l’absence physique ou psychique (dépression) de sa mère de façon prolongée (trois mois ou plus) sans la présence de substitut maternel fiable. Chez l’enfant, plusieurs facteurs de risque peuvent être présents, entrainant un trouble de l’estime de soi, des difficultés d’intégration avec les pairs, des problèmes dans les interactions avec les parents, des difficultés scolaires, une maladie de l’enfant ou d’un proche, des angoisses difficiles à gérer… et la liste est longue.

Quels sont les symptômes de dépression chez les enfants ?

La somatisation, notamment des douleurs abdominales, des troubles de la concentration, une pauvreté de la mimique du tonus, une tristesse ou irritabilité, une perte de l’appétit ou du sommeil, un sentiment de culpabilité avec même parfois des idées suicidaires. Ce sont les symptômes les plus fréquents.

Comment les parents doivent-ils réagir face à cette situation ?

Devant la suspicion d’une dépression, il est impératif de consulter un pédopsychiatre pour poser le diagnostic et entamer une psychothérapie qui pourrait être accompagné dans certains cas d’une prescription médicale.

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