Les violences psychologiques et le corps souffrant

Le corps de l’enfant a toujours été un lieu de décharges de violence de la part des adultes. Si, dans notre civilisation le père n’a plus le droit de vie ou de mort sur son enfant, les coups avec des instruments , les fessées, les gifles, les bousculades, les secouements, les blessures psychologiques, les humiliations restent de mise et semblent banalisées . Les petites phrases telles : “Il n’en est pas mort ! Une fessée ne peut pas faire de mal ! Il en verra d’autres ! Il faut lui forger le caractère !” ” Viennent stopper toute éventuelle remise en cause des pratiques abusives, effacer toute trace des forfaits parentaux et absoudre le “malheureux” parent “qui n’en peut plus ! et “qui n’a pas demandé à avoir un enfant pareil!”.

Battre un enfant, c’est lui faire mal et l’entraîner vers la destruction de son être, non seulement parce que sa peau, ses muscles, ses tendons et ses os sont atteints mais c’est aussi et surtout parce que l’enfance est la période de la vie où le corporel et le psychique sont si intimement liés, intriqués et articulés que violenter l’un revient à violenter l’autre.

Nous savons tous pour les avoir vécues que les blessures par mots attaquent et font mal dans le corps : “Il a eu le mot qui tue, elle m’a cassé les pieds, la tête, sa phrase m’a refroidie, son injure m’a scié sur place, j’ai reçu un coup dans le ventre en l’entendant”, etc… Nous savons tous pour l’avoir vécu qu’un mot dévalorisant, humiliant, injuriant provoque des constrictions abdominales, des sueurs froides, des élancements dans le dos, des oppressions dans la poitrine. Nous avons tous fait l’expérience du silence d’autrui qui nous annule, qui nous nie, nous méprise, nous fait ne plus exister, nous donne envie de disparaître dans un trou de souris ou de mourir.

Comme les violences corporelles, les violences symboliques touchent le corps, mais si chez l’adulte une autonomie relative s’est installée entre les deux registres du corporel et du symbolique, si l’adulte se remet d’une humiliation, d’un silence gommant, d’une injure dévalorisante, l’enfant sous l’impact des violences ne parvient plus à se structurer, à construire une image de lui suffisamment valorisée et soutenante, à se définir comme un sujet désirant.

Les liens psycho corporels sont mis en péril et les conséquences seront plus ou moins dramatiques tant au niveau psychologique qu’au niveau somatique.

Pour comprendre l’impact des violences qu’elles soient physiques ou psychologiques, il nous faut revenir au début de la vie lorsque, dans la construction de l’enfant, les liens psycho corporels se mettent en place et assurent une cohérence entre les différents niveaux d’organisation de l’enfant.

Pendant le premier trimestre de la vie, l’enfant est dans un univers sensori-moteur omniprésent. A la naissance, si le traitement cognitif des stimulations est immédiat, il est encore bien infime et c’est un traitement par analogie [1] qui prévaut. Ce traitement analogique est, pour l’humain, la première manière de donner du sens aux expériences ressenties. Il est dépendant des réactions toniques et sensorielles du bébé : si le corps est hypertendu, les sensations des muscles sont dures et désagréables, si le corps est détendu, les sensations des muscles sont molles et agréables. Cette première forme de classement “bon-pas bon” est à a base de toute analyse sensorielle plus complexe.

En fonction de sa sensibilité innée et en fonction des réactions et attitudes parentales, l’enfant navigue entre ces deux grandes positions psycho corporelles. Au fur et à mesure de la maturation du système nerveux central, et toujours en fonction de la qualité relationnelle, des positions intermédiaires se créent et entraînent l’enfant vers une complexification de ses ressentis, de ses affects et de ses représentations. Les réponses tactiles, verbales, émotionnelles, posturales des parents aux besoins du bébé constituent les éléments qui vont permettre la différenciation de l’univers sensori-moteur du bébé en plusieurs registres. Lorsque le parent porte son enfant, le console, le berce, le caresse, lui dit :“Tu pleures, tu m’attendais, tu étais triste ou en colère” le parent affecte le corps de son bébé. Il donne un sens affectif à l’expérience sensori-tonique de son enfant et il l’entraîne vers le symbolique.

Nous comprenons alors qu’un parent qui ne peut pas ou ne sait pas répondre aux manifestations psychocorporelles de son enfant en lui parlant, en le touchant, en le berçant, en le consolant , provoque chez le petit la frustration précoce de ses besoins de base, dont le besoin de sens est un des plus fondamentaux.

L’enfant qui n’entend pas les mots langagiers ou corporels de son parent qui viendraient confirmer son ressenti reste dans le vide psychique. Même si le désir du parent n’est pas de faire souffrir l’enfant, celui-ci vit une violence impensable et inélaborable, faute d’accès au symbolique.

Alors nous pouvons définir la violence faite à l’humain à partir de la notion de besoins.

Les besoins fondamentaux de l’être humain sont physiologiques:boire, manger, dormir, évacuer l’air, l’urine, les fèces, besoin de stimulations et de calme et ils sont également psychologiques: besoins de tendresse, de sécurité ,de reconnaissance, de valorisation ,de respect, de communication verbale et non-verbale, de repères, besoin de plaisir, de jeu, de rêves, de rire, de cohérence, d’expression, de réussir, de se réaliser, de créer.

Lorsque ces besoins sont trop massivement ou trop souvent frustrés le sujet vit une violence et entre dans la souffrance.

A chaque fois que j’impose mon besoin à une autre personne sans me soucier de ce que ça lui fait vivre, en la traitant comme si elle n’était qu’un objet à consommer, je suis dans une violence. A chaque fois que je frustre et que je bafoue quelqu’un de ses besoins fondamentaux, je lui fais violence.

A partir de cette compréhension de la violence, il me semble que les violences symboliques qui n’atteignent pas directement le corps vont frustrer néanmoins tous les besoins de respect et de sécurité de l’être humain et entraîner des angoisses qui changent de forme en fonction du degré d’organisation psycho corporel du sujet.

Chez un bébé, les angoisses liées à la surtension corporelle du bébé en attente, non reconnu, non entendu par son parent sont très archaïques : au début de la vie, les différentes parties du corps ne sont pas coordonnées entre elles, les systèmes inhibiteurs des sensations manquent de maturité, la vie intestinale n’est pas régulée, le rythme respiratoire est chaotique. Sans régulation, ni coordination, le bébé ne peut pas se vivre comme une globalité. Le sentiment d’unité se met en place progressivement avec la maturation du cerveau et une bonne qualité d’échanges relationnels. Aussi, certaines angoisses seront de l’ordre de la fragmentation et du morcellement, d’autres de la liquéfaction et de la dissolution. Les crispations musculaires intenses engendrent des angoisses de dévitalisation, d’être de la pierre, de la matière inerte. Elles sont très liées aux angoisses de mort.

La clinique nous montre que tous les être humains gardent au fond d’eux de telles angoisses primitives non élaborées car nous avons tous eu à vivre des dépassements de nos seuils de tolérance à la douleur. Aussi lorsqu’un acte violent symbolique vient heurter notre personne, ces angoisses peuvent à nouveau nous signaler le degré d’atteinte de notre organisme.

Le mot du parent sur le corps du bébé crée une enveloppe et un lien. C’est comme si le parent fermait un sac d’émotions avec le lien de la tendresse. Le bébé se sent contenu, limité, sécurisé. Par contre, livré seul à l’épreuve du pleur, ses émotions coulent. Il se vide sans fin, sans limites. Vidé, épuisé, anéanti il s’endort de fatigue après avoir beaucoup crié, parfois des heures entières. Personne n’est venu fermer le sac de ses émotions. L’expérience émotionnelle reste inscrite sous forme de tensions musculaires et de pressions organiques associées à des angoisses de morcellement et de vidage. Aucune contention et aucun sens psychiques ne sont donnés. L’enfant vit un séisme émotionnel qui le fait sombrer dans le sommeil. On ne peut pas dire d’un bébé hypertendu qu’il s’endort. Le mouvement d’endormissement n’est pas lié à la détente : tomber dans le sommeil serait plus proche de sa vérité sensorielle. Il chute dans le sommeil et semble rebondir; il se réveille souvent plusieurs fois, par à-coups. Ces vécus précoces perdurent souvent très longtemps et peuvent entraîner de fréquents troubles d’endormissement avec des cauchemars, des terreurs nocturnes, des chagrins intenses et inconsolables. Seule la présence physique du papa ou de la maman semble calmer l’enfant qui se retrouve la plupart du temps dans le lit parental.

Ce que l’enfant n’a pas eu au début de sa vie, ce soutien émotionnel indispensable pour tolérer l’angoisse, il continue à le réclamer sous la forme de symptômes d’endormissement ou de sommeil perturbé.

L’accompagnement dans l’expérience du relâchement est un besoin psychique et corporel pour le petit enfant. Il est lié à l’établissement de la confiance en soi, de la capacité d’être seul et de l’acceptation de la séparation. Ce besoin peut devenir pathologique si l’enfant n’a pas suffisamment été délivré de ses tensions. Des organisations de comportements viendront mettre en évidence la souffrance psychique de l’enfant et la façon dont il développe ses défenses contre l’angoisse.

La répétition et l’accumulation des expériences de crispations émotionnelles précoces entraînent la perte de souplesse des muscles. Ceux du dos, à faible capacité de retour à la détente, restent tétanisés. Ces contractions successives font le lit des pathologies dorsales, lombaires et viscérales futures. Nous savons presque tous, pour l’avoir vécu, combien les douleurs lombaires ou dorsales nous handicapent et nous procurent des sensations d’ “être cassé”. Les douleurs musculaires sont des angoisses corporelles qui peuvent être traitées par de nombreux moyens : massages, enveloppements de boue chaude, bains, ostéopathie, acupuncture. Tous ces moyens d’actions sont les équivalents tactiles de la tendresse des mots sur les angoisses du bébé : ils ont une fonction d’ajustement entre demande tendue et réponse apaisante. Il leur manque toutefois de donner un sens affectif à la charge tonique.

Le durcissement des muscles et leur tension entraînent inévitablement une perte de mobilité émotionnelle car les émotions “utilisent” les muscles pour s’exprimer. Un visage impassible, sans plis aux lèvres, sans froncement de sourcils, sans mouvements des yeux reste un visage de marbre, sans vie et terrifiant.   Privé de l’empathie parentale, l’enfant n’acquiert pas l’équilibre émotionnel qui lui permettrait une certaine stabilité dans l’organisation de ses logiques internes. Des troubles de la pensée s’associent très rapidement aux souffrances corporelles.

Tout ce que vit un bébé d’une manière trop forte, sans qu’un sens lui soit donné, est une violence. La violence n’est pas donc pas fondamentale et innée chez l’être humain, mais inévitable d’une certaine manière, car il est impossible de satisfaire et de s’ajuster complètement aux besoins d’un enfant. C’est dans cet écart entre demande et réponse, dans cet entre deux inconfortable que se construisent et émergent l’imaginaire, le rêve,le symbolique, le désir. SI la frustration est inévitable, la souffrance l’est si le parent est suffisamment interprète et pare excitation de son bébé. Certains, comme Michel ODENT, ont bien compris que la violence de l’accouchement vécue par le nourrisson était source de souffrance, aussi lorsqu’il préconise une naissance sans violence, il tente de procurer à l’enfant une tendresse initiale afin qu’il aborde la vie aérienne dans un sentiment de sécurité.

Deux grands cas de figure s’offrent à notre compréhension de la violence symbolique dans la relation parent enfant : le parent qui ne comprend pas son bébé, qui est lui-même dans des carences affectives et émotionnelles infantiles non conscientes et qui ne peut pas réagir aux besoins de son bébé.

Puis il y a le parent qui d’une manière plus ou moins consciente ne supporte pas la souffrance et les pleurs de l’enfant et qui fait en sorte de le faire taire. La tétine est l’instrument privilégié de cette conduite. La bouche obstruée, l’enfant ne peut plus exprimer sa vie psychocorporelle. Le parent n’a donc plus besoin de lui donner un sens. Entre ces deux extrêmes existent bien évidemment des centaines de cas intermédiaires. Je ne retiendrais que ces deux là car ils sont les plus frappants et hélas plus fréquents qu’on ne voudrait le croire.

Ne rien dire et empêcher l’autre de parler. C’est le silence.L’absence de communication. Que se passe-t-il dans le corps de l’enfant?

Tétine en bouche avant même qu’il n’ait réclamé quoi que ce soit, le bébé tête son besoin. Il ne peut que ruminer sa colère, sa peine, son excitation, son chagrin, sa peur. Son corps mû par des tensions différentes selon les émotions vécues ,change de composantes sensorielles. Les affects issus par étayage de ces tensions [2] restent refoulés.

L’enfant non affecté par les paroles humanisantes de son entourage, demeure dans des sensations organiques et musculaires assimilables à une mécanique interne. Il se vit comme un simple organisme neurovégétatif, comme une machine, comme ces petites voitures, des trains, qu’il affectionnera et manipulera sans fin. Le défaut d’humanisation se manifeste chez le petit enfant par des difficultés à symboliser, des passages à l’acte, des conduites émotionnelles explosives.

Plus dramatiquement, la déshumanisation est le processus couramment employé par les abuseurs de pouvoir, tels que les esclavagistes, les tortionnaires politiques et racistes et les abuseurs sexuels pour réduire leur proie à une mécanique qui ne peut plus penser. La déshumanisation cherche à immobiliser le sujet, à lui supprimer toute liberté d’agir et de penser et de parler, et à le réduire à l’état de chose.

La violence ne passe pas seulement directement sur le corps mais le corps est quand même emprisonné, emmuré dans le silence et les tensions sont intenses.

Lorsque l’enfant grandit, les violences symboliques peuvent changer de formes. Car le plus souvent ce qui n’avait pas été formulé pour donner un sens se transforme en jugements de valeurs, en dévalorisations, en humiliations, en injures.

Il est des familles où on ne touche jamais un enfant, il n’y a pas de coups, mais il n’y a pas de tendresse non plus. Les violences passent par des conditionnements, par des chantages affectifs, par des plaintes, des culpabilisations plus ou moins insidieuses, par des lavages de cerveau, par des interdictions ou des exigences excessives et prématurées.

Les violences symboliques mettent le jeu le langage .Le violent utilise les mots comme des coups, comme des armes , pour humilier, détruire, asservir l’autre.

Lorsqu’à l’école un instituteur (rice) se permet de dire à un enfant “Tu n’arriveras à rien”,”toujours aussi sale !” l’enfant entend l’anathème à tous les niveaux, il le vit dans son corps et devient maladroit. Son corps se rigidifie sous le coup, il est tétanisé.La tonicité se fragmente, le dos est tendu mais la bouche s’ouvre et lui donne “l’air idiot”, la respiration s’accélère ou se bloque, le ventre se liquéfie, la tête se vide. L’enfant est en état de stress et ne peut pas fuir.

Lorsque dans les écoles primaires, les besoins de pudeur et de protection sont frustrés, lorsque les portes des cabinets ne ferment pas, lorsqu’il n’y a pas de papiers toilette, lorsque l’enfant doit s’essuyer avec le doigt puis laisser ses traces sur les murs, l’enfant en entier est pris dans un étau. Lorsqu’un médecin passe devant le lit d’un malade sans le regarder, sans lui adresser la parole, en claironnant “ Alors la petite du 13, elle a mangé ce matin? et l’hépatite , au 46, elle a fait ses celles ? “, la violence vécue par le patient est intolérable. Ramené à un numéro, ignoré dans ses besoins de reconnaissance et de respect, infantilisé par un adulte censé être protecteur et soignant, le malade est chosifié.

Lorsque le “psy” dit à sa patiente abusée sexuellement :“Mais si vous n’avez pas dit non , c’est parce que vous aviez le désir inconscient que votre père vous touche , (sous entendu qu’il vous mette son pénis dans votre bouche, qu’il vous oblige à vous masturber devant lui etc…) , il injurie sa patiente et porte atteinte à son intégrité corporelle, en la survictimisant .

Les postures et gestes corporels sont également vecteur des violences psychologiques : les bras d’honneur, des doigts, les crachats, les regards méprisants sont autant de manifestations du besoin d’une personne de salir et de détruire son congénère.

C’est évidemment dans les familles que les violences psychologiques commencent et ancrent dans l’enfant l’interdit de se rebeller, de réagir, de s’opposer, de s’affirmer .Plus tard, l’adulte restera fragile et on pourra le manipuler par la honte, la peur, la culpabilité, le chantage.

Les violences symboliques passent par le langage mais aussi par l’absence de langage.Violence du silence : “Je ne te parle plus”, menace courante chez les enfants qui ont appris la douleur du silence prémédité. La rupture de la communication frustre lourdement le besoin fondamental de l’être humain d’être en relation. Réduire l’enfant au silence, c’est le tuer psychologiquement. Tuer sa parole qu’elle soit verbale, émotionnelle, corporelle, c’est nier son existence. Ne rien montrer sur son visage, rester de marbre, ne rien dire, ne pas réagir aux émotions d’autrui. C’est la loi du silence. C’est la souffrance du vide affectif, du manque relationnel, de l’absence d’autrui. Parler à un mur, ne jamais être écouté ou alors être pris dans les mailles de l’autre pervers qui joue de son pouvoir de parole.Couper la parole de l’enfant, parler à sa place, ne jamais tenir parole envers lui, autant de violences symboliques que le petit vit dans son corps comme une bousculade, dans une négation de lui-même, comme une offense à son statut d’humain. C’est l’enfant en entier qui est ébranlé, car tous les niveaux d’organisation de l’humain (tonique, sensoriel, affectif, représentatif, langagier pour ce qui est du psychomoteur) sont alors disloqués.

Dans une famille qui va relativement bien, la parole sert à expliquer aux enfants, elle décrit le monde et explique, elle donne des conseils, elle indique les interdictions. Les violences symboliques sont rares et elles se discutent si elles s’engagent. Mais dans les familles anomiques , la parole ne circule pas bien et ne remplit pas sa fonction informative. Elle est interdictrice et agressive “ tais-toi! ne fais pas ci!, ne fais pas ça !, ne bouge pas! “.Il y a beaucoup d’injures, d’interdictions, d’interjections, de lamentations, de culpabilisation. Alors ces enfants arrivent à l’école et ils ont du mal à comprendre l’indicatif, le passé, le futur. La grammaire est pour eux peu utile et peu utilisée car pour injurier ou pour interdire, on n’a besoin ni du passé, ni d’avenir, ni de déclinaisons.

Dans les familles violentes, il existe une escalade et une diffusion des violences symboliques au fur et à mesure du développement de l’enfant. Après avoir été interdit d’expression, de penser, d’avoir un sens critique, l’enfant plus grand se voit attaqué dans son territoire d’implication: “ Ca ne te gêne pas de regarder des débilités comme ça à ton âge?” ou “Comment tu peux aimer cette musique débile?” ou “Comment tu peux sortir avec cette fille si moche?” ou “Ton copain, il a pas l’air futé!”

Les dévalorisations de la vie affective, sensorielle, sexuelle du jeune s’inscrivent dans le corps comme un coup “de poignard”.Les agressions souvenirs

Peuvent être banalisées et ordinaires .Lorsque dans une réunion de famille, le parent se permet de dire de son enfant ” Il a fait pipi au lit jusqu’à 12 ans”. ”Elle était grosse quand elle était petite, c’était pas croyable !” Les humiliations creusent le ventre et la violence subit s’enracine pour sortir un jour plus tard, sur les autres ou sur soi.

La non reconnaissance, la culpabilisation, la dévalorisation, le dénigrement systématique entraînent l’inhibition de la personne. Si les réactions peuvent parfois être violentes dans les heures,jours ou années qui suivent, le sujet reste au fond de lui dans une insécurité émotionnelle permanente, dans un manque de confiance en soi et dans une méfiance parfois emprisonnante vis à vis des autres.  

Conclusion

Face aux violences symboliques, l’être humain réagit avec des systèmes de défense plus ou moins bien adaptés en fonction de l’apprentissage qu’il en aura eu dans son enfance. Les angoisses associées aux formes d’agression subies sont toujours liées aux besoins fondamentaux mis en péril : angoisses d’invasion liées à la frustration des besoins de sécurité et de respect, angoisses de vidage liées à la privation des besoins de mise en sens et de structuration des situations, angoisses de mort associées à la perte de considération et de reconnaissance de soi par autrui.  

Actuellement nous devons nous inquiéter en constatant que les violences symboliques se déploient d’une façon alarmante sur le corps de la société. Les graffitis, certains tags, les actes de dégradation des murs, des immeubles , des voitures , les incivilités , les micro-agressions trop courantes et banalisées sont les symptômes d’une perte de confiance dans l’humain.La prévention en matière de violence doit commencer par le respect du corps et de la parole de l’enfant.


[1] Suzanne Robert-Ouvray.Enfant abusé, enfant médusé. Desclée de Brouwer.Paris.1998.

[2] Suzanne Robert-Ouvray.Intégration motrice et développement psychique .Desclée de Brouwer.Paris.1995

Laisser un commentaireAnnuler la réponse.

En savoir plus sur Sophie vincendeau

Abonnez-vous pour poursuivre la lecture et avoir accès à l’ensemble des archives.

Continue reading

Quitter la version mobile
%%footer%%